Entretien pour la Terrasse, janvier 2011
Vous reprenez ce mois-ci Le Ciel est pour Tous, créé la saison dernière, dont vous avez signé le texte et la mise en scène. Quel regard portez-vous sur ce spectacle ? Quels en sont les thèmes principaux ?
– Ce spectacle a déclenché des discussions passionnées, dans le hall des théâtres et lors des débats avec le public. Sans doute parce que la pièce aborde la question de la foi et des dérives de la religion. Aussi parce que c’est une tragédie familiale, avec des scènes atrocement drôles et des déchirements. C’est pourquoi nous avons décidé de le reprendre au Théâtre de l’Est parisien, avant le départ en tournée.
En écrivant cette pièce, j’avais voulu exprimer la peur qui me saisit, devant la présence de plus en plus forte du religieux dans notre société. À travers le personnage de Lucie, jeune fille passionnée par Voltaire, la pièce met en tension l’Histoire avec l’Actualité.
Aujourd’hui, comme au XVIII° siècle, la pratique religieuse semble pouvoir ouvrir à certains un chemin de sérénité. Mais les religions monothéistes ont produit et produisent encore des extrémistes, des fanatismes dangereux. Et la collision entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux me semble présenter un risque majeur pour la liberté.
– Dans Le Ciel est pour Tous, je dirais que les thèmes principaux sont l’amour et la violence de vivre. Au sein d’une famille. Sous le regard de Dieu ou sans le regard de Dieu. Et la pièce contient un appel à la vigilance !
En juin, vous créez en tant qu’auteure et metteure en scène Comédies tragiques. De quoi s’agit-il ?
C’est une fresque de notre société, oscillant entre le tragique et le comique. Il y est question des rapports de pouvoir et de domination au quotidien. Dans les foyers, les bureaux de poste, les agences de pôle emploi, les ministères, les entreprises… Le comique – de l’ironie grinçante au burlesque – jaillit constamment grâce à la capacité de résistance de l’humain !
Comédies tragiques revendique le théâtre comme lieu collectif ! Avec un pari sur l’humour et sur la métamorphose des comédiens, puisque Fabienne Lucchetti, Stéphanie Rongeot, Thierry Belnet et Damien Robert incarneront, à quatre, presque quarante personnages…
Vous allez quitter le TEP en juin 2011, après neuf ans d’engagement à la tête du théâtre. Comment jugez-vous cette expérience ? Comment caractérisez-vous l’identité artistique du TEP ? Et comment voyez-vous l’avenir ?
– Un peu tôt pour juger l’expérience.. J’y suis encore !
– L’identité artistique ? Je peux rappeler que le TEP a été créé par un artiste, Guy Rétoré. J’en ai pris la direction, en 2002, pour y mener un projet d’artiste, un rêve. Les ingrédients : des écrivains vivants, une troupe de comédiens permanents, des spectacles pour tous. Ceci a été accompli avec détermination et générosité, malgré des budgets serrés. Nous avons co-produit de nombreuses créations de compagnies et les spectacles n’étaient pas accueillis « à la recette » ! Avec ces choix, le Théâtre de l’Est parisien a tenu ses finances et la fréquentation a augmenté. Les productions ont tourné.
Le Théâtre de l’Est parisien a développé des ateliers de formation artistique avec les écoles, les collèges, les lycées et les associations. Ceci a concerné des milliers de jeunes de toutes conditions. Côté européen, le Théâtre de l’Est parisien a co-produit, plusieurs créations (avec la CTE), dont une avec le Deutsches Theater de Berlin. D’autres projets européens étaient en gestation…
– Quel avenir ? Celui du TEP, je préfère ne rien en dire, car je suis profondément triste que le travail accompli ne puisse se développer.
Quant à mon avenir personnel, j’ai suffisamment de désirs, d’énergie et de curiosité pour y penser avec appétit.
Réponses de Catherine Anne aux questions posées par Agnès Santi